Un homme avec un exosquelette

Comment réussir l’intégration d’un exosquelette en entreprise ? L’avis d’ITURRI, fabricant et distributeur d’exosquelettes

Retour d'expérience client16/04/2021

ITURRI* est un groupe de 1300 employés fondé en 1947, dont l’objectif est de proposer des solutions innovantes, efficaces et durables pour protéger les personnes et leur environnement et contribuer à un monde plus sûr.

 

ITURRI a diversifié son activité il y a 4 ans dans la fabrication et la vente d’exosquelettes et compte aujourd’hui une large gamme de marques distribuées dans la plupart des pays en Europe, comme les exosquelettes LAEVO (dos), Noonee (jambes), SkelEx (bras), Ironhand (main) et Prexer (doigt).

Photo de Julian HERAS

Julian HERAS

Julian HERAS coordonne les activités de développement du groupe ITURRI en France. Il a également activement contribué aux préconisations quant aux bonnes pratiques de l’introduction de ces nouveaux équipements dans l’industrie

Ancien membre du groupe de travail AFNOR sur l’interaction entre l’humain et les exosquelettes, Julian HERAS a participé activement à ce groupe de travail qui a pour mission l’élaboration de la future norme sur le développement et la conception des exosquelettes. 

Il a également participé à différentes conférences organisées par les CARSAT autour de la prévention des risques liés aux exosquelettes. 

Il a aussi représenté LAEVO, fabricant d’exosquelettes et filiale d’ITURRI,  au sein de STATION F, la plus grosse pépinière en Europe. 

Qui sont vos clients demandeurs d’exosquelettes et dans quel contexte s’inscrit le plus souvent leur projet ?

Je dirais qu’il y a deux contextes principaux : le premier est lié à la préservation de l’homme au travail (contexte santé-sécurité) et le second à l’évolution de l’interaction entre l’homme et le robot dans le cadre d’îlots robotisés (contexte de productivité-rendement).

Dans notre cas, puisque notre cœur de métier est la protection des personnes, nous sommes appelés principalement pour la première raison, c’est-à-dire pour aider les entreprises à réduire les troubles musculo-squelettiques.

Dans le monde de l’ergonomie, l’exosquelette a été considéré comme une solution disruptive car le monde de l’ergonomie n’avait pas connu de changement significatif jusqu’à l’apparition des exosquelettes. Cette technologie, réservée au départ au secteur militaire, connaît depuis 5 ans une forte évolution dans les industries automobile et aéronautique et depuis 3 ans, on assiste à une vraie démocratisation des exosquelettes sur l’ensemble du tissu industriel.

Quels constats faites-vous aujourd’hui de l’intégration d’exosquelettes dans les entreprises ? 

Tout d’abord, les entreprises ont tendance à penser que l’exosquelette est la solution à tous les problèmes, ce qui n’est pas vraiment le cas et dépend des postes de travail. 

Avant d’intégrer un exosquelette, il est nécessaire de conduire une analyse de poste et s’il s’avère qu’une solution ergonomique classique (sans exosquelette) est possible, il ne faut pas s’empêcher de l’intégrer. Si ce n’est pas le cas, alors il faut étudier quel type de solution par intégration d’un exosquelette est la plus pertinente. L’exosquelette est en quelques sortes le recours ultime, si on ne trouve pas d’autre solution ergonomique pour améliorer le poste de travail.  

Pour intégrer un exosquelette il faut savoir « l’adopter » et « devenir autonome » dans l’utilisation de l’équipement ; pour que le projet n’échoue pas, il convient de respecter un process et des stratégies particuliers. Commencer par exemple par les postes les plus simples à traiter et traiter ensuite les cas les plus complexes. Il est important de s’appuyer sur le conseil et le support des experts ayant une bonne connaissance de l’exosquelette et de la bonne stratégie d’introduction et de déploiement de l’équipement.

Avec l’exosquelette, l’utilisateur rentre, en quelque sorte, à l’intérieur de la machine : c’est un changement de paradigme important, qui impacte l’acceptabilité de l’exosquelette par les utilisateurs. Il faut que l’utilisation soit basée sur du volontariat et avec une démarche progressive dans le temps. 

L’autre conseil est de former un « super user » qui va être l’utilisateur référent dans l’entreprise, pour faciliter l’appropriation et l’autonomie chez les autres utilisateurs. Le super user est en appui des autres utilisateurs, il est celui qui rassure.

Lorsqu’une société a un projet d’intégration d’exosquelettes nous conseillons toujours de ne pas se précipiter, d’avancer pas à pas et de respecter les consignes pour l’introduction de ce type d’équipement.

Pourquoi certains projets n’aboutissent-ils pas ?

La plupart des projets qui n’aboutissent pas ont les caractéristiques suivantes en commun : 

  • L’absence d’évaluation du poste de travail ou une évaluation insuffisante
  • L’absence de critères de sélection des utilisateurs. Nous conseillons que le profil des personnes qui vont tester et valider la solution soit à minima ouvert à l’innovation, avec un esprit critique, pour qu’elles expriment un retour sur l’utilisation de l’équipement. Le rôle du « super-user » est essentiel pour rassurer l’utilisateur qui au départ n’est pas autonome, surtout avec certains types d’exosquelettes.  
  • L’absence d’un responsable projet : la désignation d’un responsable projet est capitale mais souvent perçue comme secondaire par les entreprises. On ne peut pas évaluer l’équipement dès la première journée, il faut l’évaluer dans la durée. Nous recommandons donc de mettre en place une période d’évaluation puis de supprimer l’exosquelette pendant une semaine, pour mieux évaluer le travail avec et sans exosquelettes, pouvoir comparer et définir la préférence.

 

Nous sommes dans une « culture de l’immédiat » : on veut du résultat tout de suite mais cela peut prendre un peu de temps, le temps qu’on s’habitue, par exemple comme un bouchon d’oreille que le conduit auditif prend une vingtaine de jours à s’habituer, où les lunettes qu’on met pour la première fois et qui nous donnent le vertige. L’exosquelette c’est pareil, car on rajoute un élément auquel notre corps n’est pas habitué.

Quels conseils donneriez-vous aux entreprises qui souhaitent s’équiper d’exosquelettes, pour mener à bien leur projet ?

Nous l’avons vu, l’intégration d’exosquelettes n’est pas un sujet moindre. Il est très important de s’appuyer sur le conseil d’experts dans ce domaine, pour identifier les postes de travail appropriés, les équipements les plus adaptés, les utilisateurs les plus favorables. L’entreprise doit aussi mettre en place et pouvoir compter sur une ressource interne dédiée et très engagée et impliquée dans le projet, qui effectue un suivi précis de la démarche de déploiement et qui permet aux utilisateurs d’avoir un support lorsqu’ils ont des questions.

 

Dans tous les cas, ne pas acheter un exosquelette comme un équipement lambda ou sous un effet d’impulsion car le projet serait voué à l’échec.

 

+ Retrouvez également l’interview et les conseils de Sandra Lisowski, consultante Apave en santé-sécurité au travail, spécialisée en ergonomie sur les nouvelles technologies.



A propos du Groupe ITURRI

ITURRI est une entreprise originaire de Séville en Espagne et aujourd’hui présente sur 4 continents.

Son métier est la fabrication de vêtements de sécurité, de véhicules de pompiers, la distribution d’équipements de protections individuelles et collectives, et la fabrication et la vente d’exosquelettes.

L’orientation client, la collaboration, le travail en équipe, l’enthousiasme, l’engagement, l’intégrité et l’innovation sont les valeurs et piliers fondamentaux de l’entreprise depuis plus de 70 ans.

ITURRI appartient au comité F48 de l’ASTM en Espagne, en charge du développement d’un cadre normative concernant les exosquelettes.

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